jeudi 7 décembre 2017

Travailler pour un autre que soi

De la nécessité de garder les portes grandes ouvertes 




Du 2 octobre au 5 décembre, j'ai été à l'emploi d'une entreprise spécialisée en média automobile. Après 10 années comme pigiste, affublé des enjeux propres à la vie d'un travailleur autonome, je retournais, non sans étonnement, à une vie d'employé salarié dans un bureau. 

Bien qu'ils furent nombreux à me féliciter, la plupart de mes amis n'en revenaient pas. Toi, Claudio, retourner à horaire de 9 à 5, du lundi au vendredi ? Et moi de répondre que je me sentais fin prêt pour cette aventure, plus que mon impatience de travailler avec une équipe de professionnels de l'automobile n'était pas feinte. 

Pour que j'accomplisse mon travail de rédacteur-journaliste, mon employeur me fournissait un ordinateur et un téléphone portable. En retour, j'espérais apporter à l'équipe mon expérience langagière et ma connaissance de l'automobile. Hélas, ni l'un ni l'autre n'ont reçu l'accueil attendu. Déçu ? Non, plutôt étonné. 

Pendant ces 9 1/2 semaines de travail (aucun clin d'oeil au film du même nom), ma vie avait  passablement changé. Debout à 6 heures tous les matins, couché vers 23 h pour m'endormir vers minuit (je fermais rarement l'oeil avant 1 h). En semaine je ne voyais personne, négligeant amis, livres et le piano. Le week-end, je dormais. 

S'il y a une chose que j'ai réalisé en travaillant dans un bureau, c'est que les pauses sociales entre collègues — conversations sur l'actualité, entretiens sur une série télé, jasette autour du dernier épisode de Tout le monde en parle — tout ça vous prend un temps fou, plus vous dérobe à la concentration. Je suis bien plus productif à travailler chez moi. D'autre part, j'étais stupéfié de voir autant de personnes rester au bureau après leur quart de travail. N'avaient-ils pas le temps d'accomplir leurs tâches durant leur quart ? Un jour, embarrassé de toujours quitter à l'heure, je plagiais mon prochain et décidais de rester, deux fois plutôt qu'une, un trente minutes supplémentaire. Avais-je du travail urgent à remettre? Non, pas du tout, seulement, je voulais montrer que je pouvais concéder aux lois non écrites de la vie de bureau. C'est alors que j'ai compris combien j'étais encore enclin à me trahir, m'assujettissant à la mort prématurée de mon âme en faisant comme les autres. 


Néanmoins, la boîte de communications automobiles m'a fait une grande faveur en me remerciant de mes services, le 5 décembre dernier — date du décès de Mozart, en 1791. Quelques minutes avant de m'annoncer la nouvelle, le patron aurait dissipé le mot à l'interne, soufflant à une collègue que mon travail était de qualité, mais que je ne fittais avec pas avec la vision de l'entreprise. Qu'à cela ne tienne, les tentatives de me brainwasher au Kool-aid corporatif se seront avérées vaines.     

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